Laponie 2014

 

Une dizaine d’années plus tôt, j’avais dû écourter mon séjour en Laponie. Mon camarade avait fini par tomber malade après des jours passés à pêcher sous la pluie dans des waders percés.

 

 

 

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Des paysages d’altitude dès la moyenne montagne.

 
 

J’y suis donc retourné pour y taquiner deux mois durant ses ombres, truites et brochets après de longs préparatifs. Il fallait en effet faire l’acquisition d’un raft suffisamment léger pour être porté plusieurs jours sur un chariot fabriqué pour l’occasion, repérer une rivière qui se prête à la navigation, un itinéraire sur Hoogle Earth pour y accéder, alléger le matériel et dévorer la littérature disponible sur les techniques de survie.

 

 

 

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Mon chariot homemade, conçu pour soulager mes genoux d’une partie du poids du sac.

 

 

Je pars donc seul pour cette première partie du trip. Je rejoindrai un ami à l’aéroport pour la deuxième partie. Le chariot, s’il rend les passages rocailleux extrêmement pénibles, a au moins le mérite de soulager de moitié les 40 kg de matériel et nourriture transportés. J’ai malheureusement sous-estimé le diamètre des tubes en aluminium, et le chariot casse à seulement 30 km du départ. Trempé, assis dans la mousse et entouré d’un nuage de moustiques aussi dense qu’agaçant, j’écarte de mon esprit la tentation de tout balancer dans un buisson et rentrer me faire des vacances plage à Ibiza pour me mettre à assembler mes bouts de charrette, sangles, sacs étanches et cordelettes. Le résultat est incertain et inconfortable au possible, mais je peux hisser mon matériel sur le dos et repartir.

 

 

 

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Et c’est reparti, après une journée de couture et de bricolage.

 

 

Je dois maintenant allonger les étapes et avancer à marche forcée 15 heures par jour pour rattraper le temps perdu et arriver le jour prévu au point de rendez-vous avec mon ami, que je n’ai pas la possibilité de joindre et qui de toute façon a déjà pris ses billets. Je ne vois pas de poisson dans les lacs et ruisseaux qui jalonnent mon chemin, et je n’ai pas vraiment le temps d’explorer. Il me faut donc puiser dans mes réserves de vivres, cueillir des myrtilles, des mûres arctiques et des champignons, et chasser quelques perdrix des neiges (espèce non protégée là-bas) au lance-pierre.

 

 

 

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Une perdrix lapone, délicieuse rôtie sur le feu.

 

 

 

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L’automne fait rougir les feuilles des myrtilliers et des bouleaux, mais descendre les températures jusqu’à -12 la nuit.

 

 

La Laponie est une région de contrastes. A partir de la mi-août, les températures descendent fréquemment sous les -5 et l’on peut craindre des chutes de neige conséquentes. Mais on peut aussi profiter parfois de journées de grand soleil, assister à des éclosions monstrueuses sur une rivière en ébullition en marchant sur un tapis de myrtilles. Des journées où l’on pêcherait en T-Shirt sans ces nuages de moustiques.

 

 

 

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La forme tipi a fait ses preuves face aux tempêtes et à la neige. Pour ce qui est de ses qualités « moustique-proof » en revanche, on repassera…

 

 

Après quelques jours de marche sous une pluie battante et un vent glacial, mon tendon d’Achille s’enflamme à nouveau (voir l’article Nouvelle-Zélande 2013). Je profite donc d’avoir passé le col et rejoint le bassin versant de ma destination pour gonfler le raft et descendre un torrent glaciaire. Ce dernier est très compliqué à naviguer et je perds encore beaucoup de temps à repérer les passages praticables ou à porter le bateau et le matériel lors d’infranchissables.

 

 

 

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Un torrent glaciaire technique à descendre en raft.

 

 

Après un nombre incalculable de portages et de mises à l’eau, et après la traversée d’un dernier marais de l’eau jusqu’aux cuisses, j’arrive enfin au lac qui raccourcira le trajet jusqu’à la rivière. Le vent souffle régulièrement et, mon poncho en guise de voile, je parcours rapidement la trentaine de kilomètres sur laquelle s’étend ce lac en profitant de la clarté des nuits nordiques à cette saison.

 

 

 

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Après vêtement de pluie et tapis de sol, une troisième utilisation toute trouvée pour mon poncho.

 

 

Bientôt 24 heures que je n’ai pas dormi et à peine mangé. Les poissons, dont les gobages couvrent le lac désormais lisse comme un miroir, sont imprenables. J’apprendrai plus tard que ce sont des corégones, qui mouchent en banc la bouche émergent en continu de la surface de l’eau et qu’ils sont quasiment imprenables dans ces conditions. Quelques heures de sommeil plus tard, le vent a tourné et je l’ai maintenant de face.

 

 

 

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La tempête se lève.

 

 

Rapidement, je recule plus que je n’avance et continue en marchant dans l’eau, appuyé sur le bateau car mon talon d’Achille est désormais gonflé et je ne peux plus poser le pied. Je parcours ainsi une quarantaine de kilomètres en deux jours sans que le vent ne fasse mine de faiblir ou de changer de direction, à moitié affalé sur le bateau en me propulsant de ma jambe gauche sur le fond.

 

 

 

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Heureusement, les poissons sont devenus actifs et, agrémentés de champignons, de baies et d’orties, m’offrent de quoi manger à ma faim.

 

 

Les ombres sont très abondants dans la région. Ils font pour la plupart plus de 40 cm, et j’ai pris quelques spécimens de près de 60 cm. Selon les jours, ils peuvent sauter sur tout ce qui bouge autant en surface que sous l’eau, ou au contraire ne prendre que des moucherons sur hameçon de 24 et 8 centièmes. Une 9 pieds soie de 6 permet de couvrir toutes les situations. J’ai de l’eau potable à volonté, du poisson et des baies à profusion, du feu et une tente. Ayant de quoi tenir des semaines à attendre que le vent se calme ou tourne, je ne m’inquiète pas outre mesure. Mais je ne serai jamais de retour en ville pour rencontrer mon camarade et imagine déjà la panique que va provoquer mon absence. A mon grand soulagement, j’aperçois sur l’autre rive un feu et y rencontre des pêcheurs venus pêcher la zone en hélicoptère. Ils acceptent d’envoyer un mail une fois de retour à mon ami pour lui donner les coordonnées GPS du lieu et les informations pour s’y rendre en hélicoptère. Je peux ainsi profiter des 10 jours qu’il me reste avant son arrivée pour pêcher et me reposer le pied.

 

 

 

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Une fario de 65 cm qui a fait chauffer le moulinet.

 

 

Les truites lapones sont puissantes, et 100 m de backing peuvent être utiles pour en venir à bout. Elles prennent bien les streamers noirs, mais gobent aussi régulièrement au milieu des ombres.

 

 

 

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Le raft ouvre des possibilités d’exploration infinies.

 

 

 

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1 m 10 de muscles, sur soie de 6.

 

 

Les brochets sont peu considérés par les pêcheurs locaux, même s’ils sont probablement pour quelque chose dans la taille importante atteinte par les ombres. On arrive avec un peu de chance à les sortir en pêchant la truite au streamer mais mieux vaut tout de même une soie de 9 et du 80 centièmes pour les extirper en force des herbiers où ils se cachent lorsqu’ils ne sont pas carrément postés en plein rapide.
Mon ami me rejoint en hélicoptère et nous pouvons continuer et descendre la rivière en bateau, avec finalement le vent dans le dos et une météo inespérée pour la région.

 

 

 

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Certains rapides sont négociables sans le chargement, d’autres non.

 

 

 

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Il vaut parfois mieux ne pas prendre de risque et passer un rapide au portage.

 

 

 

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Une cabane de pêcheur.

 

 

 

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En prenant garde à ne pas percer le raft, celui-ci permet d’aller chercher des poissons inatteignables du bord.

 

 

 

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Les soirées se font plus courtes au fur et à mesure que l’hiver approche.

 

 

Nous avons le temps et partons explorer les environs. Il y a des lacs et des cours d’eau partout en Laponie, et ceux qui sont connectés recèlent souvent du poisson. Mais cela varie d’une année à l’autre.

 

 

 

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Même la plus petite gouille peu cacher un beau poissons

 

 

 

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Une fario d’un lac d’altitude.

 

 

 

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Un beau brochet.

 

 

Mon camarade a dû limiter la quantité de vivres qu’il pouvait amener en raison des restrictions des trajets en hélicoptère, ce qui est une bonne occasion de mettre en pratique les techniques de «survie» apprises avant le trip.

 

 

 

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Une tarte aux airelles cuite dans le fumoir à poisson pour le petit déjeuner.

 

 

La préparation du repas demande du temps. En début de soirée, il faut préparer le bois nécessaire au feu. La fine écorce verte du bouleau, qui se trouve entre l’écorce et le tronc, sert à allumer l’écorce externe puis le petit bois vert et les branches de genévrier. Le bois mort fait durer un peu plus le feu, mais ne suffit pas seul à l’entretenir. Une partie des ombres est grillée et consommée immédiatement, le reste est fumé pour le lendemain dans un fumoir bricolé à partir d’une boîte de conserve rectangulaire d’huile d’olive de 10 litres (des copeaux et épines de genévrier sur le fond, une plaque 1 cm au dessus pour recueillir le jus du poisson, une grille pour le poisson et un couvercle, le tout suspendu 20 minutes au-dessus du feu). La boîte sert également de four à pain et à tarte, de casserole pour faire cuire les gamarines, les airelles et les orties, et de poêle pour les champignons et le poisson. Même si tout le monde en Laponie boit l’eau à même la rivière, nous préférons ne prendre aucun risque si loin de toute assistance et filtrons notre eau avec un filtre à membrane (lien fabriquant).

 

 

 

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La cuisson des aliments

 

 

Les bateaux utilisés pour ce voyage sont des mini rafts (lien fabriquant) ne pesant qu’environ 4 kg et occupant la place d’une tente, mais extrêmement résistants et stables. Le mien ne présente pas de signe de faiblesse malgré 6 ans de location et des mois d’utilisation intensive par moi-même. Ils sont en revanche peu hydrodynamiques et leur prise au vent importante interdit toute progression avec un fort vent de face.

 

 

 

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Pagayer est reposant comparer à crapahuter le long des berges un énorme sac sur le dos.

 

 

 

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En chasse sur les ombres.

 

 

 

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Fario de 60 cm.

 

 

 

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Une maison lapone.

 

 

 

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Même les truites de taille modeste peuvent sortir le backing à la touche.

 

 

 

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Couleurs d’automne.

 

 

 

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Un brochet gras de plus d’un mètre.

 

 

 

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Seul au monde.

 

 

 

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Une fario bien grasse.

 

 

 

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Et je termine ce voyage sur un gros coup de chance avec ce saumon pris en pêchant la truite au streamer à quelques jours de la fin.

 

 

 

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11 commentaires.

  1. Magnifique voyage. Ca fait rêver !!!
    Paul Millet souhaite vraiment y retourner. (Sans moi, j’ai malheureusement un peu trop de bouteille pour ce genre de trip…)

  2. Oups j’avais oublié que je devais valider les messages pour les faire apparaître. Donc je les vois et répond un peu tard… Merci pour les commentaires:-)
    Je vais compléter le récit de ce voyage, qui m’a réservé pas mal d’aventures (déchirure du talon d’achille en raison de sac trop lourd seul au milieu de nul part, je croise heureusement qqun qui peu communiquer ma position gps à un ami une semaine plus tard, qui me rejoindra en hélicoptère, et en bateau jaune ;-), tempêtes etc). Par contre et au risque d’en décevoir qqun je préfère ne pas communiquer précisément ce « coin », pour le préserver au maximum étant donné qu’on peu facilement accéder en hélicoptère un peu partout en Laponie. Mais je vous encourage à partir dans n’importe quelle direction à pied en Laponie, il y a des coins comme ça partout, faut juste avoir les nerfs très solide face aux moustiques qui sont un véritable calvaire.
    Le saumon sur matos à truite ça tire très fort, beaucoup de chance pour le sortir.
    J’y suis retourné cette année, et je vais refaire un petit reportage, avec qq gros poissons

  3. Bonjour Olivier,
    Tout d’abord magnifiques images!
    Je souhaiterai me faire un ptit trip en Laponie Suedoise,pourrais tu me dire dans quelle region tu etais?
    Merci d’avance,cordialement.

  4. Magnifique. Les brochets lapons sont d’un vert si particulier. Il me tarde de les revoir.

    Quel est cette région/rivière ?

    On aimerai avoir les histoires avec les photos :

    Quel est ce volatile en broche ? Ce saumon a t’il fait un combat diabolique? Quel est le point de départ et d’arrivée ? Rassure-moi , y avait-il quand même des moustiques??

  5. Halluncinant, ça doit être inoubliable. Et ces poissons !!!

    T’as changé de raft en cours de route (le jaune ?). Tu étais dans quelle région ? Les photos sont féeriques mais c’est un peu frustrant qu’il n’y ai pas de texte pour raconter ton voyage 😉

  6. OUCH cela pique les yeux!!

    Un grand bravo pour ton voyage, quoique peut être on doit plus dire ton expédition!!

    SUperbes cadre, superbes photos, et que dire des poissons!!

    Juste une question : parts tu seul sur ce genre de trip?

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